La culture de la science vérité

Un État unitaire et centralisé

La France se distingue par son modèle d’État unitaire, où le pouvoir est fortement centralisé, contrairement aux États fédéraux comme l’Allemagne ou les États-Unis. Cette structure découle de la volonté révolutionnaire de créer une unité politique et administrative forte, en opposition au morcellement féodal de l’Ancien Régime. L’État est conçu comme l’incarnation du bien commun, garant des principes universels de la République. C’est lui qui en représentant de la Nation, impulse les politiques en France, les mets en application par le biais du gouvernement nommé, et administre le territoire. L’agenda politique au pouvoir, ainsi, influence la société et deviens le référentiel de valeurs d’influence de la société. Gouverner c’est diriger la population.

La philosophie comme matrice des systèmes politiques

Depuis la Révolution, et comme dans tout système politique organisé, la France s’est construite sur des principes philosophiques. Cela façonne autant les structures de pouvoir que l’organisation culturelle et sociale du territoire. Contrairement aux États-Unis où l’individualisme roi est une valeur centrale et fondatrice du contrat social régissant leur rapport sociaux, culturels et politiques, la France républicaine est marquée par une quête de liberté et un idéal collectif, fondé sur la raison et le progrès de la science, comme remplaçante de la représentation de Dieu, qui était présente sous l’ancien régime. Là ou il y avait l’amour et la dévotion comme repère moral et social d’orientation des populations du territoire, a existé par la suite et depuis lors, la raison.

Au cours du XXe siècle, une transformation majeure s’est opérée. La France a progressivement adopté les valeurs du marché comme nouvelle référence. Cela n’est pas seulement lié aux influences étrangères, mais également par des choix politiques successifs propres, aux élites dirigeantes. Gouverner, c’est décider et chaque dirigeant hérite d’un passé de mise en oeuvre par ses prédécesseurs. Ici en l’absence d’un repère moral de référence, après la Révolution et ce que l’on a nommé comme phénomène “désenchantement du monde”, c’est l’économie politique et de marché qui est devenue le cadre structurant des relations d’individus à individus. La France régicide a été amenée à ne pas trouver de remplaçant à Dieu pour permettre l’émancipation de l’individu, hors les fers de la raison et de la science pour qu’il se lise, à raison de s’être bâtie elle même contre la représentation divine du pouvoir. 

Les révolutions libérales contre l’obsucrantisme

La France a été un acteur clé dans la diffusion des révolutions modernes, à commencer par 1789, qui a inspiré de nombreux mouvements démocratiques à travers le monde. Les lumières comme mouvement, fondé sur la science, la philosophie et les savoirs, à pu même se prévaloir d’un rôle messianique dans son développement outre frontières : exemple ayant été des colonisations de la république française à la fin du XIXème siècle par le socialisme bourgeois, antérieur aux élans de sociale démocratie. Contrairement aux révolutions américaines et anglaises, qui cherchaient à préserver des libertés existantes, comme références irréfragables et assurées, la Révolution française visait une transformation radicale de la société, en mettant fin aux privilèges et en instaurant un nouveau cadre politique fondé sur la souveraineté du peuple. C’était les lumières contre l’obscurantisme.

Le contrat social respectif de chaque pays occidental, et ce qui en a découlé au gré de la mise en oeuvre des fondements de chacun de ces projets,peut s’expliquer par les cultures propres préalables respectives de chacun d’entre eux. La France ayant un héritage lourd précédent la révolution, ne peux s’en défaire avec autant d’aisance ou moins de résistance qu’en outre-atlantique, ou de l’autre côté de la manche, qui pour cette dernière n’a pas eu de tensions majeures avec la religion sur le plan politique lors des révoltes calvinistes, protestantes et luthériennes. 

Egalement, tel qu’abordé dans un précédent article, la France est l’un des rares pays à disposer d’un ministère de la Culture, institution créée en 1959 sous l’impulsion d’André Malraux. Ce ministère illustre la volonté de l’État d’intervenir activement dans la définition et la diffusion des valeurs culturelles nationales. Il sert autant à promouvoir la diversité culturelle qu’à encadrer la production artistique et intellectuelle, créant un lien direct entre culture et politique. En remplacement des dogmes et paroles religieuses de l’Eglise catholique, comme forme de pouvoir et moyen de contrôle social des foules, a été mis en place le ministère de la culture comme jonction tampon entre deux France, permettant l’usage d’une structure de pouvoir forte et divine, et des valeurs scientifiques, laïques et promouvant des idéaux de libertés. Voici, posé ici une des hypothèses de la schizophrénie de la France contemporaine. 

Une théologie républicaine quasi-religieuse

Si la France est un pays laïc, en somme, elle a toutefois développé cette forme de théologie républicaine remplaçante des référentiels axiologiques religieux, où la République est pensée et défendue comme un dogme. Les principes de liberté, égalité et fraternité ne sont pas seulement des idéaux politiques, mais des valeurs quasi sacrées incitant les citoyens à un devenir émancipateur par les savoirs, utilisées autant pour légitimer l’action de l’État et de ses représentants dans le jeu politique quotidien de gestion et d’administration des activités de l’état, que pour servir de bouclier à l’agenda politique de l’ancienne bourgeoisie devenue élite.

Ce phénomène se retrouve dans l’usage de la laïcité, selon les couleurs politiques mais dans leur spectre pluraliste, tantôt outil d’émancipation, tantôt instrument d’exclusion dans les débats contemporains. Sur ce point, là où une tension existe, est dans le fait que cet agenda suppose, pour l’émancipation de l’individu, une désolidarisation de l’asservissement passé à ce que sont les structures et représentations traditionnelles du pouvoir, sous l’ancien régime ; en ce que l’Etat et la bureaucratie sont des éléments à “détruire”. Révélations d’un agenda qui ne cache plus son nom et que l’on peut percevoir dans des mouvement politiques récents outre atlantique, et en hausse de popularité en Europe. 

Enfin, pour lier ce point à d’autres articles touchant à la notion d’inconscient collectif, stimulé par l’ensemble des incitations dont, en théorie, nous sommes censés nous purger pour s’émanciper en individus libres par la raison ; est important sur ce point de considérer l’exécution de Louis XVI en 1793. Elle a marqué une rupture définitive avec la monarchie sur le plan de la philosophie politique et donc de sa mise en oeuvre, créant une République où l’autorité du peuple remplace celle du souverain.

Cette spécificité française peut expliquer en partie la méfiance vis-à-vis des figures trop charismatiques du pouvoir, tout en conservant une attente quasi monarchique vis-à-vis du président de la République. Ce paradoxe se manifeste par un attachement à la démocratie tout en exigeant un leader fort et incarné, tout en voyant le pouvoir s’humaniser. Liant cela à l’inconscient collectif et culturel français, existe autant de résistance que de culpabilité résistive à l’idée de Dieu en société, laissant pour le présent un impact conséquentiel où l’amoralité est devenue reine, sans pour autant laisser l’immoralité être gagnante. La tension psychique de notre époque à de grandes chances de trouver l’origine de ses crises en ce qu’en retirant l’idée de dieu des consciences et représentations culturelles, pour l’émancipation de l’individu souverain, soit absent le référentiel permettant la transformation intérieure désirée. Ou en tous cas, non pas pour toute une population qui, en somme de façon non utopique, ne peut être en mesure d’être gouvernante d’elle même. La tension entre individus et collectivité s’étant retrouvée, à l’échelon politique dissoute, dans le fondement du lien social lui même. Aveu d’échec ou non, l’avenir nous en dira davantage sur ce qui s’est réellement passé à notre époque et quelles solutions auront été trouvées.  

Un basculement politique vers la raison reine

Après la Seconde Guerre mondiale, la France a connu une période de compromis entre deux visions : celle de l’État-providence et celle de l’interventionnisme économique. Cependant, les crises économiques des années 1970 et 1980 ont conduit à une remise en cause de ce modèle et à une adoption progressive des principes du néolibéralisme : un état régulateur organisateur du marché, en retrait, astreint à la réalisation de ses charges régaliennes, sans intervention directe au sein du marché libre, sinon son maintient. 

Le néolibéralisme, porté par des penseurs comme Friedrich Hayek et Milton Friedman, a conduit à des réalisation politiques originales comme ce que fut le projet de l’Union européenne: un modèle politique qualifiée d’OVNI, tant son mode de fonctionnement technocratique, se représente en un espace d’acteurs libres, où l’idéologie est remplacée par la technique et les savoirs. Ce modèle s’est imposé à travers la mondialisation et la nécessité pour la France de s’intégrer dans un marché globalisé. Hors, ce modèle n’a pas fait unanimité au sein des états membres. 

Une évolution politique sous influence, mais souveraine

La transformation du modèle républicain français n’a pas été une simple soumission aux valeurs anglo-saxonnes, mais un processus interne, façonné par la lutte entre les classes dominantes. Le triomphe du modèle bourgeois et du marché est le fruit d’une construction historique, où les élites ont imposé un nouveau cadre de pensée et de gouvernance, en l’absence d’un repère spirituel stable après la Révolution.

Aujourd’hui, la question demeure : la République peut-elle retrouver une dimension sociale forte, ou le marché restera-t-il son seul horizon ?

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